La barbarie du profit
Froide et cruelle, impersonnelle. Elle cible, exécute, justifiant ses colères par des lois algébriques improbables. Elle décide aujourd’hui de ce que vous êtes, et de ce que vous deviendrez demain. C’est la branche terroriste armée d’une doctrine ultra-libérale définit par les privilégiés pour servir les privilégiés. Le regard noir du capitalisme mondial, son ultime matraque, silencieuse et insidieuse. Celle qui vous fera naître et mourir dans le rang, à votre place, dans la masse des efforts consentis inlassablement dans l’illusion d’une quête ou l’argent est depuis bien longtemps devenu la priorité de tous.
Aux mépris des connaissances scientifiques, ressources humaines, matérielles ou naturelles logées à la même enseigne de la surexploitation systématique et sans scrupule. Aux mépris du bien vivre de son peuple et de l’avenir de ses enfants, des vies entières torturées par l’effroyable mécanique de la productivité. Des familles, des individus broyés par les guerres, crises et autres sautes d’humeur d’un capitalisme capricieux et colérique, bien planqué derrière les colonnes de marbres ou les vitres miroirs des grattes-ciels new-yorkais.
Des numéros, des codes barres, des fichiers informatiques, des graphiques de tendances, des histogrammes d’activité, des marchandisations de compétences, des marges gargantuesques, et une place pour le chômage, pour que toujours vous gardiez en vous cette peur du pire qui vous immobilise.
La barbarie du profit sévit aujourd’hui. En toute impunité, soutenue et encouragée par ceux que vous avez élus, qu’elle sait bien plus grassement remercier que vos efforts à moindres coûts. Le référentiel de société n’est plus l’homme en son sein, mais les fortunes exclusives de quelques uns. L’homme est un chiffre, un attribut parfois compétent (mais il ne faut pas trop le lui répéter), louable et corvéable aux services des grandes fortunes ingrates et ego-maniaques.
Pouvons nous réduire une problématique d’ordre humaine à une conjonction de paramètres numériques et impersonnels ? Nous ne trouverons de solutions à l’équation modélisant l’évolution de notre civilisation, impliquant une équivalence entre notre bonheur hypothétique et le produit de notre situation actuelle à un instant donné par les progrès à venir, qu’en pondérant notre raison et notre ambition individuelle en fonction des aspirations de tous.
De cette pondération altruiste saura naître une conscience collective issu d’une humanité mûre en harmonie avec sa terre. Racines de chênes pluri-séculaires, profondeurs abyssales des océans, turpitude des eaux douces, azur infini des cieux… Cette conscience s’élèvera, déesse toute puissante et créatrice, guide et soutien de l’évolution des hommes au travers de l’entière relativité du temps. Innovation réfléchie et sagesse de l’expérience au service de l’Homme, de la mère Nature et du père Soleil.
Vers un savoir être mondial basé sur la somme des cultures de chacun d’entre nous, pas sur la soustraction des caractéristiques locales ou l’uniformisation, le gommage des aspérités atypiques inhérent à l’ère industrielle et à la course au profit. Vers une croissance qualitative plutôt que quantitative, pour une vie au doux rythme des saisons, en acceptant simplement la situation de l’homme dans son écosystème, forme de vie génétiquement avancée refusant toujours plus de céder à sa bestialité naturelle, survivant à sa propre barbarie.